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Wellcome

Un bout de toile, ça sert toujours à se moucher.

samedi 4 juin 2016

Intrusion

En soins intensifs, dans un box ouvert sur un dortoir de lits séparés par des rideaux, j'ouvrais peu à peu les yeux sur mon fardeau, ce corps qui ne faisait que peser son poids et que tous "soignaient" sans se soucier de moi. Là, le dégoût d'être touchée par des mains étrangères, des haleines, des sudations, des réflexions étrangères et non plus des personnes, s'insinuait dans mon appréciation, dans ma perception même des humains et de leurs sociétés. Ma jeune dépendance aux autres, en plus de la nature des soins prodigués, engendrait un  mal-être qui me transformait du fond du cœur jusqu'à l'esprit. Murée dans cette peau éteinte, apeurée par toutes les manipulations faites sur mon corps, je l'abandonnais entre toutes ses mains qu'heureusement je ne peux que voir.
A cette étape de mon hospitalisation, j'avais la valve phonatoire me permettant de parler et m'alimentais par moi-même avec une atèle, c'en était fini d'être constamment nourrie comme un bébé... je comprends très bien ceux qui grimacent d'être gavé à la cuillère, j'en fais partie.
_Nous avons tous nos petites manies. Elles nous permettent d'exprimer, d'évacuer tacitement mais instantanément des sensations voire des sentiments subtils qui, paralysés, engendrent une frustration si profonde qu'elle vous rend nécessairement patient, vous soumettant à n'importe quel traitement, elle vous transforme en handicapé._

2011
Dès le premier T.R. subi en toute connaissance de cause, dépucelée de l'anus par une infirmière dont j'ai oublié le prénom tellement j'ai du en retenir, violée charnellement pour évacuer ma merde dans ses mains, j'entendais un nouveau courant de conversations d'usage, spécifique au milieu du handicap, tellement proche du niveau d'intérêt d'un enfant de 2 ans que je me suis sentie passée de la couveuse à la crèche. En plus du doigtage, il y a la pénétration répétée d'une sonde dans le méa pour récolter les urines, autant être franche vous vous voyez tel qu'on vous traite, me sentant violée et séquestrée j'allais devenir comme ces victimes apprenant à aimer leurs agresseurs quand ils les soulagent, seule façon de supporter la fréquence des actes.
A ce stade, j'apprenais à peine la mort d'Hamed et il n'était déjà plus question pour moi d'être traitée comme une convalescente qui peut retourner chez elle et reprendre sa vie. C'est cette notion qui m'échappais longtemps, je ne pensais pas que ses soins deviendraient des rituels quotidiens ! Le sentiment d'avoir pris perpétuité allait vraiment condamner ma pensée à s'en réduire à ça, à ce corps à maintenir pour rien si ce n'est subir des intrusions.


à suivre

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