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Wellcome

Un bout de toile, ça sert toujours à se moucher.

dimanche 30 octobre 2016

Estimation

L'année précédant mon accident en 2013, au regard des avancées faites en matière de reconnaissance des émotions, je me posais la question : à combien estime-t-on réellement nos sentiments humains? Quelle importance leur accordons-nous en réalité?
Ces sentiments, qui reformulent notre perception de la réalité, impulsent l'être à se représenter physiquement à travers tous supports, mais quelle valeur attribue-t-on à leurs représentations?
Si le travail ne laisse pas de place aux sentiments, ne les abuse-il pas? Si nos frustrations peuvent être sublimées en créations, quelle valeur leur attribuer? Sur quoi se fonder véritablement pour évaluer la portance d'un sentiment quand on sait qu'il modifie notre personnalité? Le prix d'une souffrance s'estime par rapport à quoi?

Les assurances ont estimé ma souffrance à 30 000 euros, même pas le prix d'un fauteuil verticalisateur, j'ai perdu mon corps et toute possibilité d'en jouir et ce que je souffre quotidiennement à vie s'estime à 30 000 euros.
A combien estimer ce que j'ai produit avant et ce que je produis maintenant que ma souffrance est permanente, puisque la souffrance affligée par tout ce que je ne peux plus faire vaut 30 000 euros, combien vaut le travail mort d'un artiste dessinateur survivant sans les mêmes aptitudes graphiques?
Quand les hôpitaux de Montpellier achètent 3 œuvres d'art pour 340 000 euros alors que la souffrance d'un être humain est estimé à 30 000 euros, on peut dire que la représentation d'un sentiment est plus estimable que celui qui le ressent.

Combien valait ce style à mes yeux, je méditais des centaines d'heures avec applications pour formuler mes angoisses autrement que par intonations agressives et expressions désagréables, je me maîtrisais grâce à mes dessins, je m’empêchais de devenir comme eux tout en l'étant par instant à l'abri des regards, je vivais mon art et il se suffisait à lui même.
Depuis que les choses ont un prix, elles ont surtout un coût... sauf que je ne m'estimais pas en euros mais en temps, mes œuvres d'avant coûtaient ce qu'elles m'avaient demandé en temps, une oeuvre peut prendre quelques minutes jusqu'à toute une vie; là, c'est ma vie qu'on va estimer, son coût et son temps... la vie n'est pas un don donc l'art non plus, c'est un coût en temps et en euros, mais le talent et la raison d'aimer perdus, à combien ça s'estime?

Une vocation ce n'est pas un travail ou un métier qu'on exerce avec passion, c'est un appel auquel on répond chaque jour, ma façon de répondre du passé en finissant des esquisses des années après me permettait de prendre conscience de la maturation d'une impression dans le temps, des émotions qu'elle suscite et de l'aspect de la personnalité qu'elle suggère, c'est ce que j'esquissais pour l'archiver dans le temps et en extraire des thèmes. J'aurais exposé 4 thèmes témoignant de cette démarche, la première sur la féminité "Les Féminines", la seconde sur les changements de personnalité "Fin d'un temps", la troisième sur les entités qui nous gouvernent "Mort d'Amour" et la dernière sur l'influence de la société en moi "Devoir de Mémoire", je réalisais aussi une oeuvre filmée puis détruite "Jugement dernier" fin 2013, suite à ces 3 années d'expositions je décidais de fabriquer un livre pour y rassembler mes illustrations jusqu'à l'accident où mon amour est mort en 2014.








samedi 8 octobre 2016

Paralysie sensuelle

Ne plus sentir jusqu'à ne plus pouvoir se sentir.
Je ne suis plus comme vous, je ne suis plus normale, ce qui vous émoustille ne me fait plus vibrer.
Je ne mène plus qu'une lutte en moi-même assaillant ma personnalité à ne plus devenir autrement.
Tout mon univers sensuel s'est effondré et, dans le chaos de mes sens, mes émotions brassent une soupe d'impressions épluchées avec angoisse, la condescendance en cascade a noyé ma volonté d'exister aux yeux de tous et surtout aux miens.
Submergées de contraintes, mon cerveau ne s'attarde plus à ressentir, ou peut-être n'en ai-je pas le cœur et sentir l'oppresse.
Sans le touché, la douceur ou la tendresse d'une caresse ne sait qu'être observée froidement comme on regarde un écran, sans l'intention d'être aimée je ne peux rien ressentir, c'est à moi d'aimer pour me sentir aimée.
Ne me reconnaissant plus dans le regard des autres, je ne désirais plus être à leur contact.
Ne m'intéressant plus à la vie qu'on m'a laissé, celle des autres me désintéressait encore plus, je me déshumanisais à force d'être aux contact d'humains que je n'avais pas choisi.
Mes attentes sont devenues celles d'une femme âgée, je n'attends que de la sympathie ou de la tranquillité et ne sais plus recevoir d'autres marques d'attentions (s'il y en a eu d'autres) que celles-ci. Car qui voudrait d'un corps ne sachant plus désirer, je ne peux pas me sentir désirer en plus de me sentir systématiquement indésirable, maintenant que mon état physique m'interdit moralement d'être désirable, oui, ce corps que tous peuvent toucher sauf moi ne désire que bouger car sentir l'effraie, il s'est oublié pour me retrouver et préfère se contracter tout comme mon esprit.
Je stagne par pallier sur lesquels je prends conscience d'une autre de mes réalités, la pratique celle liée au handicap avait floué ma perception des autres réalités intime, sociale... le plus difficile étant de me réinterpréter face aux autres pour réanimer mes différents regards sur le monde.
Mon frère, qui me supporte depuis 2 ans dans cette épreuve, m'a vu re-grandir de l'état de nourrisson pleurant par nécessité à celui d'adolescente affichant sa personnalité, où j'en serais maintenant d'après lui.