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Wellcome

Un bout de toile, ça sert toujours à se moucher.

jeudi 23 juin 2016

Colère

Maintenir un corps en vie, ce n'est pas sauver la vie de quelqu'un. 
Au nom de quoi m'avait-on obligé à reprendre mon souffle ? Ni au nom de l'humain ni de sa liberté mais au nom d'un protocole ! Est-ce respecter une personne que de l'obliger à devenir autre chose que ce qu'elle est ? Non, c'est la réduire à ce que vous en faites sans tenir compte de ce qu'elle est en réalité; c'est entretenir une économie fondée sur la dépendance que de maintenir des corps en vie et non pas des Hommes en liberté.

La médecine ne vous demande pas votre avis sur comment elle vous traite en faisant juste son travail, comme l'état peut se défendre de cette privation de liberté physique en prônant "la sécurité sociale" et la "MDPH", mais c'est facile pour l'état d'assurer socialement une population traitée comme une patientèle vouée à recevoir toutes sortes de traitements sans bouger... tandis que celle qui m'était rentrée dedans, une délinquante notoire, avait seulement été privée de liberté pendant 3 ou 4 mois.

L'acceptation est la dernière étape dans le processus de deuil, j'en étais à la colère, la deuxième étape. Je n'acceptais pas ce qu'on avait fait de moi, en ne m'offrant pas le choix de la mort, j'étais forcée d'accepter mon sort avec leurs tapes sur l'épaule en guise de sollicitude. Le sentiment d'injustice s'alliait à celui de dégoût, de moi et des autres, tout ce que l'humain a de pervers en lui, dans ce qu'il dit et ce qu'il fait, transpirait de toute part. La sensation d'être en proie à toutes les frustrations des autres comme des miennes m'étouffait dans une peur de tout, j'étais aussi triste qu'en colère et ne pouvais l'extérioriser à ma façon, j'avais perdu ma façon et ma raison d'être.

Les contraintes liées à la tétraplégie ne m'encourageaient pas à reprendre part à la société des êtres humains, je n'étais plus considérée comme avant. J'étais traitée comme une handicapée, comme quelqu'un à qui on dit les choses pour qu'elle les entende sans redouter sa réaction, marcher nécessite des jambes alors prenez un fauteuil, il faut exercer une pression pour que le caca sorte appuyons sur le ventre, vous pensez à la mort prenez des antidépresseurs... voilà comment on prend la tétraplégie au sérieux ! 
L'éducation thérapeutique, réunion de pensionnaires autour de différents thèmes sur le handicap, nous éclairait enfin sur ce qui nous attendait réellement dans nos corps comme dehors. Après m'avoir rafistolée une cervicale avec un bout de hanche, la médecine m'offrait de prendre un bout de mon intestin pour faire un conduit de mon nombril à la vessie pour que je puisse, après 3 opérations au bras, y introduire une sonde pour la vidanger toutes les 4 heures, cela au risque de me chier dessus régulièrement. Voilà à quoi on m'avait réduite, à me faire opérer durant 1 an pour pouvoir me vider la vessie et pincer un stylo... Quel désarroi d'apprendre qu'on m'avait maintenue en vie pour ça, pour me contraindre à penser à mon système végétatif jusqu'à la fin de mes jours, aucune de leurs opérations ne me redonnait espoir ou envie, si je devais redevenir moi-même, il fallait que je puisse réagir comme moi-même avant de me décider à quoi que ce soit. 



2013
C'est une fois informée que ma tristesse et sa colère réveillèrent ma conscience d'avant. Arrêter le lyrica (antiépileptique) sans l'avis du médecin fut donc le premier pas fait vers moi-même, la première réaction de défense en adéquation avec ma personnalité, signifiant "je ne me laisse plus traitée n'importe comment". Tandis que je devenais autrement, ma mémoire réanimait mon souvenir de moi par à-coup, comme si mon inconscient décompressait le trop plein de tristesse à petites doses dans le temps pour ne pas mobiliser toute mon attention. Récupérer ou mourir était mon état d'esprit d'alors, le vague à l'âme d'émotions nostalgiques refluait en feedbacks de comment j'étais pour me faire retrouver des repères en moi-même. Chaque action engagée était un pas vers l'extériorisation, vers moi-même, comme si ma colère posait les barreaux entre les montants d'une échelle, dont l'un serait la joie et l'autre la tristesse, pour pouvoir sortir quand il le fallait au lieu de s'engouffrer dans les regrets.

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